Portraits

Anaïs, scripte dans le cinéma

9 septembre 2018

Un Village Français, c’est elle. Boulevard du Palais, c’est elle. Joséphine Ange Gardien, c’est elle. Elle, c’est Anaïs, scripte. Armée de son stylo quatre couleurs et d’une intelligence hors pair, elle gère les tournages d’une main de maitre. Anaïs, c’est la petite fée des plateaux, qui a décidé de passer sa vie à raconter des histoires…

« J’ai  été très tôt baignée dans le milieu de la culture. Mon père travaillait dans l’édition, ma mère dans le spectacle vivant. J’allais beaucoup au théâtre et au cinéma. J’ai eu la chance de grandir tout près d’une scène nationale, la Ferme du Buisson à Noisiel, où j’ai passé des milliers d’heures, à voir des pièces de théâtre, de danse, de cirque, des films d’art et d’essai… Je regardais beaucoup la télé aussi : j’ai été une grande fan de séries, bien avant la « série mania » que l’on connaît aujourd’hui !

J’ai toujours su que mon métier serait lié à une passion, à quelque chose que j’adore vraiment faire. Hors de question de passer ma vie à subir mon travail. Hors de question aussi de faire une prépa, comme le voulait mon père ! Alors au moment de choisir mon orientation, au lycée, les choses ont été assez simples. Je suis allée consulter les fiches d’orientation du CDI et je suis tombée sur ce titre : SCRIPTE. J’ai lu la fiche en entier et à la fin de ma lecture, j’ai su que c’était ce que je voulais faire. La personne décrite dans cette fiche, c’était moi ! Les qualités requises, je les avais ! Et surtout, c’était dans le cinéma…

Pour mes 18 ans, mon père m’a acheté une caméra. Je me suis inscrite en fac de ciné, à Marne la Vallée, où j’ai étudié pendant 5 ans. Tout s’est ensuite enchainé. J’ai décroché mon premier stage juste à la fin de mes études : deux mois de tournage en juin-juillet pour Boulevard du Palais. Le 1er octobre, je commençais trois mois de tournage pour Avocats et Associés. En janvier, j’obtenais le statut d’intermittente. J’ai eu beaucoup de chance… J’ai fait mes armes en tant qu’ « assistante scripte » pendant plusieurs années, et depuis deux ans, je suis officiellement scripte.

Etre scripte c’est en quelque sorte être la mémoire du film. Je suis garante de la continuité entre les scènes, qui sont toujours tournées dans le désordre. Je dois savoir, pour chaque scène, ce qu’il s’est passé avant, ce qui va se passer après, où en sont les personnages à ce moment-là, quelle énergie les anime, la façon dont ils sont habillés, maquillés etc. Le réalisateur doit pouvoir me faire une confiance absolue. Et c’est merveilleux quand je sens que j’ai gagné cette confiance, quand il me demande mon avis, quand je peux avoir un vrai impact sur la manière dont le film est tourné, et même sur le choix des mots dans certaines répliques.

Je suis amenée à travailler avec tous les corps de métier : non seulement avec le réalisateur, mais aussi avec le chef op, le perchman, l’habilleur, la maquilleuse, le cadreur ou encore le machino. Des gens qui viennent souvent d’horizons très différents. Moi qui suis plutôt timide de nature, j’ai appris à m’ouvrir aux autres et à savoir parler à tout le monde…  Et c’est peut-être ça, d’ailleurs, que j’aime le plus dans mon métier : l’intensité des liens que l’on tisse, tous ensemble, le temps du tournage. Chaque film est une vraie aventure collective. On travaille tous d’arrache-pied, sur des rythmes quotidiens souvent très intenses, pour réaliser un projet commun. On crée ensemble, on vit ensemble, on est contents ensemble, on se marre ensemble… Alors quand le tournage se termine, j’ai parfois de gros coups de blues. Les fêtes de fin de tournage sont à la fois des moments de grande joie et aussi des moments un peu tristes, parce que je sais que l’aventure se termine. Un peu comme quand on rentre de colonie de vacances et qu’on dit au revoir aux copains !

De manière générale, les fins de tournage sont toujours des périodes un peu délicates. Tout à coup, on se retrouve seul chez soi. Au début, on est content de se reposer, de retrouver son appartement – je tourne beaucoup hors de Paris, souvent dans le Sud – ses amis, son chat, ses habitudes… Et puis très vite ça peut être un peu la déprime, surtout quand on n’a pas de tournage prévu derrière. Les premières années, c’était vraiment un moment que je redoutais. L’angoisse du vide à combler, la peur ne pas faire mes heures. Aujourd’hui, heureusement, les tournages s’enchainent, et j’aborde ces périodes beaucoup plus sereinement !

Ce que j’aime par-dessus tout, c’est raconter des histoires. Des histoires simples, l’histoire des gens. La vie, quoi. Les blockbusters, très peu pour moi.  Le cinéma, ce n’est pas un divertissement : c’est un art qui permet de réfléchir, de penser la vie. C’est beaucoup de poésie aussi. Quand j’écoute un comédien jouer son texte à la perfection, ça m’emporte. Je sais que je suis à ma place.

Se lever tous les matins pour raconter des histoires : il y a pire dans la vie non ? »

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