Pensées

Sur le départ

16 juillet 2019

Cinq minutes, et les couleurs ont changé. Une lourdeur dans le ciel amstellodamois, un craquement sous ses pieds, une fêlure dans le creux de sa poitrine. Tant pis pour la perfection des adieux, la dernière étreinte chaude et rassurante, qui dit merci pour les moments passés et j’ai hâte pour ceux qui viennent. La porte s’est refermée sur des baisers hésitants et des regards fuyants. Que retenir maintenant.

La dureté des voix ou la douceur d’une épaule que l’on recouvre d’un drap dans la nuit exténuée.

La tentation d’en finir ou les je t’aime je t’aime tellement qu’elle répète, tandis qu’il sombre dans ses bras dans un sommeil agité.

Le désir de blesser ou celui de protéger.

Le mépris ou la fierté.

Les reproches froids qui coupent comme des lames de verre ou les regards qui se cherchent dans l’obscurité.

L’impossibilité de se rejoindre ou la fascination pour l’altérité.

Elle sort sur le balcon et observe le ballet des vélos. Le soleil a fini par percer derrière les nuages et fait briller l’eau du canal. Elle voudrait avoir encore quelques heures devant elle. Pour humer encore l’odeur des gaufres chaudes et sucrées dans les ruelles étroites, traverser les ponts ornés de tulipes jaunes, entendre le cliquetis des cuillères contre les tasses à café sur les terrasses. S’imprégner à nouveau de l’agitation joyeuse de la place du Dam et revoir glisser les trams le long des façades en brique et aux grandes fenêtres nues.

Un vent froid la fait frissonner. C’est l’heure de partir. Elle ramasse ses affaires, jette un dernier coup d’œil dans l’appartement et referme à son tour doucement la porte. Elle a dans la tête un air de Lana del Rey, dont la voix sensuelle lui chuchote à l’oreille You’re not good for me baby, you’re not good for me but baby I want you, I want you.

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