Pensées

Le moi-mot

29 avril 2018

La plupart du temps, je suis un moi-mot. Un MOI-MOT qui enfile les mots comme des perles depuis très longtemps. Depuis si longtemps que la vie même est devenue une gigantesque phrase, articulée, logique, séquentielle. Le raisonnement analytique qu’impose le langage est devenu un mode de pensée par défaut : on sépare, on trie, on range, on relie. Je suis une professionnelle de la dissection et de la recomposition.

De cette hypertrophie verbale est né un certain goût de la maitrise, de l’ordre mental, des systèmes et de l’analyse. Une passion pour la réflexion. Une intellectualisation quasi constante.

Mais parfois, il arrive au MOI-MOT de se taire. De déserter les lieux. De prendre ses clics, ses clacs, de la mettre en veilleuse. De tirer sa révérence. De mettre les voiles et de prendre le large. Loin.

Et alors, c’est autre chose qui émerge.

Une pulsation profonde, qui naît dans le creux du ventre, remonte dans la gorge et fait tout voler en éclat. Une longue et brûlante langue de lave qui serpente lentement au milieu des idées et les plonge dans un magma informe et explosif. Adieu raison, logique, intellect… c’est le grand réveil de l’instinct, le départ vers des contrées folles et primitives.

C’est le chant du minotaure qui se tapit au cœur de mon inconscient labyrinthique et me laisse au réveil la tête remplie de hurlements d’hommes que l’on dépèce vivants. La grande et délicieuse vengeance… C’est la créature violente qui chuchote dans mes rêves et orchestre la barbarie de mes cauchemars.

C’est le beat de la techno music qui vient miraculeusement réunir les contraires et installer le point d’équilibre du monde tout au creux de mes hanches.

C’est la pulsation démente qui bat dans mon coeur et mon ventre quand le désir me submerge.

C’est la transe qui nait de l’effort musculaire répété à l’infini lorsque je vais nager ou courir.

C’est la rivière souterraine à laquelle je m’abreuve lorsqu’il s’agit d’écrire.

C’est un état de conscience différent, un état de grâce qui précède toute pensée articulée et qui contient ma vérité profonde, en-deçà ou au-delà des mots. C’est le flux créateur, qui me fait sentir vivante et dans lequel je puise pour me rappeler qui je suis et où je vais quand la vie me fait emprunter des chemins de traverse.

 

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