Ailleurs

Souvenirs de Louisiane

30 avril 2018

« Cette nuit-là, je rêvai du sud de la Louisiane, je rêvai de hérons bleus debout au milieu des cyprès inondés, de champs de canne à sucre battus de lumière mauve et or à l’automne, de l’odeur d’hickory qui se consumait doucement et de graisse de porc dégouttant sur les cendres de notre fumoir. Je rêvai de vagues de brouillard qui sortaient en rouleaux des marais au petit matin, d’une blancheur, d’une épaisseur telles que le moindre bruit – un bond de perche hors de l’eau, le plongeon d’une grenouille-taureau depuis sa souche d’arbre – vous arrivait comme à l’intérieur d’une bulle mouillée, je rêvai de pélicans planant haut sur fond de soleil au-dessus des vagues au large du golfe, de palmiers verts aux feuilles déchiquetées claquant sous la brise salée, des ragoûts de crabe et d’écrevisses, des fritures de poissons qui étaient notre festin quotidien, comme si les saisons ne connaissaient pas de fin et que la mort n’avait pas d’emprise sur nos vies et de rêvai aussi, finalement, de la chanson qui me brisait toujours le cœur, La Jolie Blonde, cette chanson qui, l’espace d’un instant, me transporta en 1945. Notre jardin était fleuri d’hibiscus et d’hortensias bleus et roses épanouis, et les voisins arrivaient à dos de cheval pour le fais-dodo qui se tenait sous nos chênes. »

James Lee Burke, Black Cherry Blues.

 

    Leave a Reply